mardi 14 octobre 2008

Ile en ile

Île en île ; dix questions pour dix ans

Questions pour Thomas C. Spear à l'occasion des dix ans du site

propos recueillis par Stève Puig

Le 12 octobre 2008 est officiellement le dixième anniversaire du site
Île en île, lancé en 1998.

Pour l'occasion, je vous invite à lire un entretien qui fait un bilan du
chemin parcouru, partage quelques moment forts et donne une idée des
choses à venir :
http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/docs/10ans_ile-en-ile.html
"Dix questions pour dix ans"
Questions pour Thomas Spear à l'occasion des dix ans du site Île en île,
propos recueillis par Stève Puig.

Merci de circuler l'information, et l'invitation à (re)découvrir des
centaines d'auteurs, de :

Haiti, Martinique, Guadeloupe, Guyane

Maurice, Réunion, Comores, Madagascar

Nouvelle-Calédonie, Polynésie

Le moment de l'anniversaire est propice pour faire une nouvelle visite
au site pour «fouiller» dans ses archives. Il y aura de nouvelles vidéos
dans les semaines qui viennent et d'autres suppléments, selon une
évolution suggérée dans l'entretien.

Merci à tout le monde -- vous êtes si nombreux ! -- de votre
participation et contributions à la base de données. Qu'elle trouve
moyen de survivre dans les années à venir.

Thomas Spear



Blog andré Robèr : http://andrerober.blogspot.com/
Site de André Robèr http://a-rober.com
site des éditions k'a : http://www.editionska.com
Blog editions k'a : http://editionska.blogspot.com

lundi 6 octobre 2008

Raharimanana : Réponse au quotidien de la Réunion

RAHARIMANANA entretien au Quotidien de la Réunion

A propos de la polémique autour de sa nouvelle qui a vu la mise à pied d'un professeur de la possession.
Vous avez ici l'original de l'entretion

je ne sais pas si l'entretien va être publié, mais on verra bien.
Je suis journaliste pour le Quotidien de la Réunion. Il y a dix jours, l'un de vos texte, "le canapé" a amené le rectorat à suspendre un professeur de littérature. Je voulais vous faire réagir à ce propos. J'espère que vous pourrez y répondre aujourd'hui pour une parution demain.
- Quels ont été vos sentiments lorsque vous avez appris que l'étude d'une de vos nouvelles , "le canapé" a déclenché une polémique dans un lycée de la Réunion?
Je ne peux pas feindre la surprise, le sujet est difficile : le Rwanda et ses massacres, la femme violentée dans sa chair lors des exterminations de masse. Je sais bien que l'ensemble du recueil de "Rêves sous le linceul" provoque le malaise. Mais pour ma part, c'est entièrement assumé. Je mets des mots sur l'obscenité du monde, sur le scandale des génocides, sur nos silences lâches jouissant de vivre dans des pays dits "nantis", "opulents", "civilisés", sur le spectacle du monde vu à travers la lucarne de la télé. J'étais juste surpris que ce livre revienne en force en ce moment (la publication date quand même de 1998). Mais peut-on vraiment s'étonner dans la mesure où aujourd'hui, une certaine pensée dominante portée par le pouvoir en place se ferme de plus en plus et revisite l'histoire à sa manière ? Je crois juste qu'une censure, au fond, ne fait jamais de mal à un livre, au contraire.
- Le rectorat juge votre texte "tendancieux, polémique et provocateur". Qu'en pensez-vous?
Le rectorat parle-t-il d'une même voix ? J'ai cru comprendre il y a quelques années qu'il y avait eu un projet d'un livret pédagogique pour ce même livre, et ce par le même rectorat... Je ne vais justement pas entrer dans cette polémique stérile. Le rectorat déplace la question sur un autre terrain, je parle littérature et du scandale du monde -le génocide rwandais et autres atrocités mémorables, le rectorat va sur le terrain de la bienséance, de la morale, du politiquement correct. Nous ne parlons pas du tout de la même chose. L'école n'est-elle pas justement le lieu où les lectures du monde doivent survenir ?
- Plus que le texte en lui-même, le rectorat reproche au professeur sa démarche: il a demandé à ses élèves d'étudier ce texte seul chez eux. A-t-il commis une erreur de méthodologie?
Plus que la censure, ce qui me dérange profondément, c'est que le rectorat ait pris cette décision après une plainte d'un parent... Société de délation ? Mais quel pouvoir donne-t-on à ce parent d'élève ? A-t-il plus de compétence que ce professeur en matière d'enseignement ? Quelle est la confiance qu'on accorde à nos professeurs ? Ne peut-on pas se fier au professionnalisme de cet enseignant ? Il connait ses élèves. Il a sa méthodologie. Il prépare ses cours. Ce n'est pas à moi de dire s'il a fait une erreur de méthodologie ou pas. Je suis écrivain, pas inspecteur de l'éducation nationale.
- Des élèves de seconde, âgés en moyenne de 15 ans, sont-ils assez armés pour comprendre le message contenu par ce texte?
L'école forme des enfants à comprendre le contenu des textes. L'âge ne signifie rien en soi. Il y a des enfants qui comprennent plus tôt que d'autres. Et je ne pense pas qu'ils soient aveugles ces enfants à qui ce professeur a donné ce texte, ils savent que le Rwanda a existé, que la Shoah a eu lieu, il y a l'Irak, il y a l'Afghanistan, la Palestine... ils savent que le monde des adultes est scandaleux, que des crimes se perpetuent dans le monde et que beaucoup d'adultes ferment les yeux. La censure est une initiation pour être un homme sociable parfait et respectable. A 15 ans, je pense qu'on peut comprendre ce texte. Quel adolescent n'a pas eu ses lectures interdites ? J'ai lu "J'irai cracher sur vos tombes" de Boris Vian à 13 ans. Le drame, c'est qu'on a vidé d'idées la tête de nos enfants. Leur donnons-nous assez de lectures, assez de livres ? Et ces parents qui se scandalisent pour tel ou tel livre, ne pouvaient-ils pas en profiter pour aborder le sujet avec leurs enfants ? Partager un peu de la lecture du monde, de la vie, avec leurs progénitures. Ont-ils assez lu ? Ouvrent-ils assez les yeux ?
- Aujourd'hui le prof suspendu s'expose à une sanction pouvant aller jusqu'à l'exclusion définitive. Jugez-vous qu'elle serait excessive?
C'est là le scandale pour moi. Quel serait le motif ? Faire lire un livre serait un crime ? Ce serait très grave et très significatif comme message. Le rectorat a-t-il réellement ce droit ? Ce serait pour le coup une réelle injustice. L'année dernière, j'ai été en résidence d'écriture dans un lycée de Saint Denis (93) en métropole. Les professeurs ont fait lire entre autres mon recueil "Rêves sous le linceul". C'était une résidence d'écriture en concertation avec l'éducation nationale. Dans nos latitudes océanes, on n'aurait donc pas le droit d'aborder certains sujets ? Deux poids, deux mesures ? A Madagascar, le régime qui prenait le pouvoir avait brûlé la bibliothèque familiale en 2002 (voir mon livre "L'arbre anthropophage"), aujourd'hui, dans un pays démocratique -vraiment ? la France, je suis confronté à la même question : faut-il brûler les livres ?