jeudi 8 janvier 2009

Article de Marine Dusigne dans le JIR du 8 janvier à propos de Un ours sous les tropiques d'André Robèr

Poète livré au débotté
CLICANOO.COM | Publié le 8 janvier 2009
Il travaille d’arrache-pied pour publier les piliers de sa culture créole originale sur le territoire national. Là, le plasticien-poète-éditeur du K’A se brosse un portrait pour enjamber les années qui ont fait de lui un ours bien léché. André Robèr, le bien-aimé.
Parmi les bouquins reçus en cascade ces derniers mois alors que 2008 prenait la tangente pour laisser place à l’an 9, “Un ours sous les Tropiques” a retenu notre attention. D’une part, parce qu’il émane d’un dalon poète qui cultive les bonnes recettes pour ne pas vieillir tout à fait idiot, et d’autre part, parce qu’il ravigote les souvenirs d’une créolité qui a trouvé toute sa crédibilité de l’autre côté de la mer, via ses éditions K’A. On l’aura compris il s’agit d’André Robèr dont nous avons un peu “bâché” l’actualité ces dernier mois et qui continue, nonobstant, à publier ses petits bijoux émaillés de poésie et, pour sa prose à lui, de dessins et autre lavis dont il a le secret. Car cet enfant de la Plaine-des-Palmistes a tous les talents et, comme il dit, “expérimente aux frontières du plastique et de la langue”. En guise de voeux réciproques, petit couplet en forme de coup de projecteur et de coeur sur les derniers écrits qui aggravent son K’A dans la collection Astèr sous cet intitulé quasi autobiographique “Un ours sous les tropiques”. Et Mister Robèr de nous dédier à sa manière un autoportrait pétri de sensualité, d’esprit, d’amour et de fantaisie qui ne surprendra certes pas ses amis. Ou comment on arrive à survivre dans la mère patrie quand on débarque de la Réunion sans a priori, mais avec un solide appétit de vie sans avoir la moindre envie de jouer les moutons, mais en faisant tout de même quelques concessions pour s’adapter, accepter d’être aimé et de renvoyer l’ascenseur pour transmettre des idées frappées au coin du bon sens (ce qui n’est pas une mince affaire quand on vient d’un pays où l’on marche à l’envers). Le copain de Julien Blaine a le sens du verbe et l’apanage des alliages en arts majeurs qu’il triture avec bonheur depuis des années, passées à appréhender les mystères d’une Terre emplie de mirages qui, toujours, le ramènent à ses rivages. Ceux de ses îles en Catalogne ou à la Réunion. Voilà des années que l’on se promet d’aller voir comment ça se passe chez lui et sa dulcinée. Son “Ours sous les Tropiques” confirme cette envie et nous en apprend de belles sur ce rimeur de fond qui, comme l’homme sans chemise, ne peut vivre heureux que les doigts de pieds à l’air depuis qu’il a découvert sa vraie pointure, sachant que “l’ours ne porte pas de chaussures” !

Marine Dusigne

“Un ours sous les Tropiques” d’André Robèr aux éditions K’A, dans toutes les bonnes librairies, rayon Réunion. A noter que André Robèr exposera dans quelques mois à la Grande Halle de la Villette des “Fonnkèr pou lo zié” dans le cadre de l’exposition “Des îles et leurs mondes” d’avril à juillet 2009.


Bio express

Né le 21 juillet 1955 à la Plaine-des-Palmistes dans une famille de colons, André Rober, après une scolarité écourtée, suit les cours de l’école de l’Eau et de l’Électricité au Port où on le pousse à passer le concours EDF et à partir en métropole dès 1974 (à son corps défendant). Quelques années plus tard, il entame ce qu’il appelle son “initiation artistique et sociale… l’art étant la société, l’art étant une manière de s’engager contre une société, pour la société”. Art et engagement se trouvent dans son parcours, comme dans son œuvre, indissociablement liés. Rencontre en 1980 avec les peintres de Barbizon et découverte que Courbet “a sauvé le Louvre pendant la Commune”. Il en déduit que le Louvre (c’est-à-dire la culture) n’appartient pas qu’à ceux qui l’ont obligé à passer le concours EDF et à quitter l’île, mais lui appartient à lui aussi. André Rober entame alors en 1982 des études d’art plastiques qui se termineront par l’obtention, en 1988, d’un D.E.A. sur l’art dans la rue, l’art sur les murs. Il travaille toujours chez EDF, mais crée en même temps à Marseille où il a été muté. Là-bas, il comprend l’importance de sa langue créole en découvrant la poésie contemporaine dans toutes les langues. Il décide d’aider son île et d’entretenir sa “réunionnité” en investissant le champ culturel au gré d’expositions, organisation de kabars-poèmes, travaux plastique autour du 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage, peintures sur le thème du marronnage, etc. En 1999, après avoir entendu des “métro” dire que “la culture réunionnaise n’existe pas”, il décide de créer les éditions K’A qui mettent en valeur les poètes contemporains de la Réunion.

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